«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 30 septembre 2009

Johann Wilhelm Wilms


Johann Wilhelm Wilms (1772-1847)

Symphonie no. 1, op. 9 en Do majeur
Ouverture en ré majeur
Symphonie no. 4, op. 23 en Do mineur

NDR Radiophilharmonie Hannover
Howard Griffiths
CPO 777209-2
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D’entrée de jeu, une belle surprise nous attend dans cet enregistrement. Wilms est un de ces nombreux compositeurs dont la figure titanesque de Beethoven a éclipsé la réputation. J’en veux pour preuve les deux paragraphes d’une tiédeur toute factuelle que nous présente l’article du Grove Music Online. C’est grâce à Wikipedia que j’apprenais qu’un site web lui était consacré par l’Internationale Johann Wilhelm Wilms Gesellschaft (http://www.ijwwg.de/Germany/portrait.htm). À ma grande surprise, on recense pas moins de dix-sept cds pour sa discographie dont six qui lui sont entièrement dédiés, l’un d’eux étant celui qui nous occupe dans la présente chronique.

Mais on doit se tourner vers le livret du disque pour apprendre beaucoup plus que ce que nous offrent les contenus électroniques au sujet d’un compositeur qui, au-delà des influences qu’on voudra bien lui trouver, démontre une habileté et une personnalité incontestable. C’est presque un choc que de s’apercevoir, qu’en dehors de Beethoven et Schubert, qu’en dehors de l’Allemagne, de Vienne et de la France, il existe d’autres talents à cheval entre classicisme et romantisme qui méritent notre attention. Bien que né en Allemagne, Wilms se rendit à Amsterdam avant la vingtaine pour y devenir l’un des principaux compositeurs des Pays-Bas de la première moitié du 19ème siècle.

Les deux symphonies auraient été écrites dans un intervalle très rapproché. Ainsi, la création de l’opus 9 a eu lieu en janvier 1806 et celle de l’opus 23 fin 1807. Mais quelle différence déjà dans l’évolution dramatique du discours. Alors que la première rappelle plusieurs fois, sans toutefois en amoindrir ses qualités distinctes, la comparaison à la période londonienne de Haydn, la suivante nous amène au seuil du pathos digne de l’Eroica de Beethoven. Dans les deux cas, on appréciera particulièrement la verve exquise des thèmes, la vigueur rythmique, la cohérence formelle, l’écriture finement ciselée de certains passages que les amateurs de bois savoureront avec plaisir. Quant à l’ouverture, elle vaut bien plus que les insipides compléments de programme qu’on a vite fait d’oublier après un premier contact. Le thème de l’Allegro est autant agréable que mémorable et l’œuvre conserve un entrain avec lequel il fait bon de renouer.

Il est heureux que CPO ait confié à des musiciens aussi remarquables ce superbe coup d’envoi à la réhabilitation d’un compositeur tout à fait original et charmant. Je me dois de souligner l’interprétation dynamique, et l’attention portée aux délectables nuances. Une belle démonstation de l’enthousiasme qui transcende la conviction. C’est donc avec grande hâte que je souhaite découvrir les cinq autres symphonies.
CPO 777209-2
Guy Sauvé

samedi 19 septembre 2009

Le vrai chemin dans l'art, c'est la recherche du beau. Hélas toujours le beau!

Un jour je vois un homme apparaître devant une salle comble. Il était tellement plié sur lui-même, que tout de suite je me suis dit: arrivera-t-il au bout du programme? Alors, après l'obscurité de rigueur à toute salle de concert, et dès que les premières notes de Mozart sonnèrent, le miracle fut. L'homme qui était tordu à ce moment, commença lentement à se redresser. On aurait dit que la musique tenait lieu des piqûres de cortisone dans sa colonne. Après l'exposition d'un premier mouvement d'une sérénade de Mozart, plus de vestige de sa douleur, de sa souffrance, un homo erectus comme moi!

Cet homme était Sandor Végh.

Pour le mois d'octobre Phoenix nous propose un double cd avec les symphonies de Schubert, la 5è, 6è, 8è et 9è plus connu sous son nom de La Grande. Il s'agit en fait d'un enregistrement de Capriccio, que Phoenix reprend pour le commercialiser à bon prix.

Quelle occasion pour découvrir l'art de cet immense artiste, si on ne le connaît pas déjà.

C'est quoi la différence entre cette version et les autres? Et bien simplement vous aller être en mesure d'écouter comment un musicien de talent, arrive à imprimer à chaque phrase l'idée du beau. Ne laissant jamais échapper aucun détail. En faisant chanter l'orchestre jusqu'à la dernière note. Peut importe s'il s'agit de la mélodie principale, ou d'un accompagnement. Tout chez Végh a un seul objectif, la quête du beau.

Quant à la 8è et 9è c'est autre chose, ce sont des chez d'oeuvres, des coups de génies. La 8è par son intensité, évidement c'est Schubert qui parle, mais Beethoven a rédigé le discours.
La 9è, c'est l'envers c'est la symphonie que Beethoven aurait du orchestrer, si sa surdité ne l'avait tellement affecté. Tout le romantisme Allemand est là. Je dirait que c'est d'ici que commence le chemin symphonique qui nous mènera à Mahler. Dommage qu'après celle-ci, Schubert mourrait. Il aurait sûrement encore des choses à dire dans ce domaine.

Un petit coffret à ne pas rater, comme un petit diamant qu'on rencontre dans un coin de rue.


Phoenix PE437

Philippe Adelfang


vendredi 18 septembre 2009

Callas assoluta ou le personage qui fait d'une artiste.

Voici un documentaire de Philippe Kohly présenté chez Arthaus Musik, ou l'on peut parcourir la vie de la diva, peut-être la dernière d'une riche lignée, qui a commencé dès le 19è siècle.

Le documentaire raconte les débuts en Grèce, le lien avec sa mère, le fait qu'elle ait chanté pour les nazis pour survivre à la guerre. Puis un voyage aux Met, où elle est rejetée. De retour en Europe, elle s'installe en Italie, où elle commence sa vraie carrière, qu'elle façonne avec une patience, et une ténacité de fer, calculant tous ses mouvements pour y arriver. Et elle le fera, jusqu' à être la reine de la Scala, après que la Tebaldi lui aura laissé la place. Comment a-t-elle fait? D'abord avec une discipline de fer, elle répétait sans cesse, jusqu'à l'épuisement des artistes dont elle partageait le travail, mais aussi en s'entourant de grands artistes tels que Cocteau, Tulio Serafin, Karajan, Bernstein, etc..

Comme une icône de la renaissance, déesse grecque de l'antiquité, elle arrive au moment où le passage au mythe se fait d'une manière naturelle, sans obstacles, mais qui marquera son destin jusqu'aux ses derniers jours. On connaîtra ses hommes, ses amants et les autres, ses amours et les moyens qui justifient la fin. Rien dans la vie de Callas n'est dû au hasard, on dirait que tout a été calculé pour un seul objectif: le chant. Le sacrifice y compris. C'est pour cela que son rôle fétiche fut Norma, la prêtresse gauloise qui aime les romains. Elle savait bien ce qu'elle chantait.

Documentaire à ne pas rater, pour les inconditionnels et les autres, comme moi, qui verseront quelques larmes transformés en mots, plus utiles pour cette chronique.

Callas assoluta
Arthaus Musik 101475

Philippe Adelfang.

mercredi 9 septembre 2009

Ferdinand Ries, concerto pour 2 cors et autres oeuvres.



Ferdinand Ries (1784-1838)
CPO 777 353-2
Ouverture « Die Räuberbraut », op. 156;
Concerto pour 2 cors WoO 19;
Ouverture « Liska oder Die Hexe von Gyllensteen », op. 164;
Concerto pour violon, op. 24

Teunis van der Zwart, cor
Erwin Wieringa, cor
Anton Steck, violon
Die Kölner Akademie
Michael Alexander Willens

Ferdinand Ries est surtout connu comme élève de Beethoven et un de ses premiers biographes. On sait moins cependant qu’il était l’aîné de Franz Anton Ries, premier violon de la chapelle de la cour de Bonn ayant enseigné à Beethoven. Malgré les turpitudes causées par les guerres napoléoniennes, Ferdinand Ries est tout de même parvenu à faire une belle carrière, surtout à Londres après quatre ans de tournées parcourant l’Allemagne, le Danemark, la Russie et la Suède où il a été nommé membre de l’Académie royale de musique.
Le catalogue de ses œuvres offre de nombreuses perspectives de projets d’enregistrements puisqu’on peut choisir, entre autres, les huit symphonies et autant de concertos pour piano, vingt-six quatuors à cordes, quatorze sonates, quinze fantaisies et quarante-neuf suites de variations pour piano seul, six trios avec piano sans compter plusieurs pièces vocales et de musique de chambre.
Passons vite sur les deux ouvertures d’opéras composés dans la dernière décennie de son existence. Ce sont de jolis compléments de programme dont on ne doit pas bouder le plaisir (puisque l’orchestre les interprète avec brio) mais qui demeurent des pièces conventionnelles attirant davantage un auditoire restreint de spécialistes.
Par contre, les deux concertos valent le détour car, quoiqu’écrits avant la trentaine et à quelques mois d’intervalles, ils nous révèlent un compositeur talentueux pourvu d’esprit, de charme et de bonnes idées musicales.
Le Concerto pour violon (1810) est une œuvre en trois mouvements de bonne facture, bien développée, et comportant des tournures harmoniques très personnelles. Sans atteindre le souffle de celui composé par Beethoven quatre ans auparavant, cette œuvre est dans son ensemble fort agréable à écouter, notamment le troisième mouvement dynamique qui comprend un thème de rondo mémorable et une variété de textures dans les épisodes orchestraux fort bienvenue. C’est là que le soliste se rachète des problèmes de justesse qui parsèment certains passages dans les mouvements précédents et où il démontre sa capacité de maîtriser des passages virtuoses.
Quant au Concerto pour deux cors, on peut se demander de prime abord, après une première écoute et sans avoir lu le texte de présentation, si l’emploi de deux cors solistes ne paraît pas superflu à certains moments. Il faut savoir que Ries, comme le suggère l’auteur du livret du cd, « considérait sans doute l’œuvre comme une pièce de circonstance dédiée aux deux excellents cornistes de la chapelle de la cour de Kassel » et de ce fait n’a pas jugé bon de lui attribuer un numéro d’opus, ni de chercher à le faire éditer. Une fois cette réserve exprimée, ce concerto mérite l’attention des auditeurs. Personnellement, j’apprécie le renfort d’un deuxième soliste qui donne plus de corps en contrepartie du volume de l’orchestre. Ries n’hésite pas à exploiter le registre très grave des instruments et à pousser loin les limites de la virtuosité à plus forte raison de l’usage
du cor naturel. On comprend alors l’obligation pour les solistes de ralentir le tempo pour favoriser une meilleure articulation des traits périlleux et on regrette certaines accélérations de l’orchestre qui rendent inégal le déroulement du discours, comme si on voulait absolument « rattrapper » le temps perdu. Pour le reste, il s’agit d’une œuvre plaisante, une belle découverte qui saura satisfaire les amoureux des cuivres.
Bien que CPO n’indique pas qu’il s’agisse de premières mondiales, on serait bien embêté de repérer de nos jours des versions concurrentes des œuvres présentées ici. Dans le cas du concerto pour violon, CPO s’est servi de copies manuscrites du compositeur non éditées qui se trouvent à la Bibliothèque nationale de Berlin. Même la série « The Romantic Violin Concerto » de la compagnie Hyperion ne l’a pas endisqué. Malgré quelques défaillances, on doit féliciter l’ensemble de cette production qui a eu l’audace de nous dévoiler de nouveaux bijoux cachés du vaste répertoire romantique grâce à des artistes pleinement engagés.
Guy Sauvé
Septembre 2009