«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

jeudi 27 janvier 2011

L'éducation nous rend libres, c'est à nous de faire quelque chose avec.

Qu'est-ce qui retient mon attention de ce Blu-ray? non pas les pièces, toutes des classiques du répertoire, non pas seulement le chef d'orchestre, Claudio Abbado, peut-être notre dernier dieu vivant de la direction, mais par contre l'aboutissement d'une idée.
Souvent on écoute dire que l'éducation est essentielle pour l'avenir des peuples, et c'est en voyant l'Orchestre des Jeunes du Venezuela Simon Bolívar en action, que l'on comprend toute l'importance de cette idée.
Claudio Abbado a toujours soutenu l'oeuvre de José Antonio Abreu. Avec "El Sistema", un groupe de musiciens et professeurs de musique au Vénézuela ont trouvé la façon de sortir des jeunes très pauvres de la rue et des bidonvilles de Caracas, en leur apprenant tout simplement de la musique.
Avec des énormes efforts, non seulement de leur part, mais aussi de leur familles, ils sont devenu des musiciens accomplis: les oeuvres qu'ils jouent, nous le démontrent. La suite scythe op 20 de Prokofiev, la suite symphonique de l'opéra Lulu d'Alban Berg et la 6è symphonie de Tchaikovsky op 74.

Tout est dirigé en harmonie avec le savoir faire d'Abbado. Un petit bijou, l'air de Pamina "Ach, ich fühl's" chanté par la soprano Anna Prohaska.

Plus qu' un concert j'y vois la réalisation d'une idée, d'un projet. Je ne voudrais pas utiliser le mot miracle, parce qu'il a fallu le travail de nombreuses personnes pour le faire. Mais d'une certaine façon, le miracle réside dans l'espoir de ceux qui croient encore dans le pouvoir transformateur de l'homme. Et la plus grande transformation est celle de faire changer le destin de l'homme par l'éducation, ce qui va former la culture de l'humanité

Blu-ray Accentus Music ACC10204
Orchestre des Jeunes Simon Bolívar; Claudio Abbado, direction.
Anna Prohaska, soprano.

Philippe Adelfang.


dimanche 23 janvier 2011

Blu-ray de la semaine

Une petite ré-édition en Blu-ray à ne pas rater, les concerts que l'orchestre du Gewandhaus de Leipzig a donné en juin 2006, avec Martha Argerich jouant le concerto pour piano Op.54 et Ricardo Chailly dirigeant la 4è symphonie Op.120. le tout est complété d'un adagio et allegro brillant orchestré par Tchaikovsky, et l'orchestration de 4 pièces du Carnaval Op9 qui n'est.pas si souvent jouée
Que dire du concerto pour piano:on est peut-être en présence d'une des plus belles prestations dans l'histoire musicale de cette pièce.
Simplement il faut constater l’énergie et l'interaction que Martha Argerich développe avec l'orchestre, Chailly ne fait que s'assurer que toute cette musique puisse avoir une voie d'expression accorde à l'inspiration de cette soirée.

Le tout se poursuit avec la 4è symphonie en ré mineur, où l'orchestre et le directeur donnent toute les lettres de noblesse que la partition possède, mais souvent détruites par des versions médiocres.

Entre ces deux monuments de la musique classique, une petite perle, les arrangements que Maurice Ravel fit en 1914 de quatre pièces du Carnaval op9 destinées à la troupe londonienne du célèbre danseur Vaslav Nijinski.

Comme introduction, on a eu droit a deux pièces du cycle, Études symphoniques que Tchaikovski orchestra entre 1863 et 1865 juste au moment où il finit ses études au Conservatoire de Saint-Pétersbourg auprès d'Anton Rubistein.

Blu-Ray Euro Arts 2055494
Martha Agerich, piano;
L'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig; Riccardo Chailly, direction.
Enregistré le 1-2 juin 2006.

Philippe Adelfang.

vendredi 14 janvier 2011

Monsigny : Le Déserteur (Drame en Trois Actes)

Michel-Jean Sedaine : livret

William Sharp : baryton (Alexis); Dominique Labelle : soprano (Louise); Ann Monoyios : soprano (Jeannette); David Newman : baryton (Montauciel/2e Garde); Eugene Galvin : baryton-basse (Jean-Louis (le Père)/3e Garde); Tony Boutté : ténor (Bertrand/1er Garde); Darren Perry : baryton (Courchemin); Claire Kuttler : soprano (Tante Marguerite);

Andrew Adelsberger : basse (Le Geôlier)

Orchestre de l’Opéra LafayetteRyan Brown, direction


Pierre-Alexandre Monsigny est né en 1729 et mourut le 14 janvier 1817. Sa longue vie lui permit de traverser un siècle extraordinairement riche en bouleversements, tant musicaux (et artistiques) que sociaux et politiques. Il fut témoin de la fin du Baroque, l’apogée du Classicisme et les débuts du Romantisme. Il vécut sous l’Ancien Régime, la Révolution, l’Empire et la Restauration! Comment sa musique reflète-t-elle ces perturbations monumentales? Sans ostentation ni placage trop étroit sur l’agitation stylistique de la période. Il serait vain de chercher chez Monsigny un témoignage de l’évolution musicale française, dans sa facture harmonique et structurelle du moins. Car c’est à un autre niveau que se situe la contribution du compositeur à l’histoire musicale de l’Hexagone. Le rôle que la postérité retient pour Monsigny est celui de père de l’opéra-comique. C’est dans la juxtaposition d’éléments légers (tant musicaux que dramatiques) et de rigueur formelle et compositionnelle que se démarque le corpus du compositeur. C’est également dans ce mariage du « populaire » et du « savant » que l’on peut retrouver l’origine de l’opéra-comique, cette contribution éminemment française à l’art lyrique, qui participe de façon originale au développement historique de cette rencontre des « classes » artistiques présente dans toutes les cultures occidentales, du Singspiel allemand au musical de Broadway en passant par la zarzuela espagnole.

Monsigny compose Le Déserteur en 1768, sur un livret de Michel-Jean Sedaine, un collaborateur régulier. Monsigny avait déjà plusieurs succès à son répertoire, mais le Déserteur sera l’œuvre qui fera sa renommée. Il est facile de comprendre pourquoi : la musique est tout simplement délicieuse, bordée de mélodies accrocheuses et d’une orchestration sensible et raffinée. Les tempis alertes et guillerets sont entrecoupés à l’occasion d’airs tous empreints d’une douce mélancolie, et portés par une écriture sensible qui sait mettre pleinement en valeur les tessitures choisies. Chez Monsigny, la préoccupation de la clarté est évidente, tant dans l’écriture vocale qu’instrumentale. Les duos, trios et pièces d’ensemble ont une grande limpidité. Chaque voix est admirablement bien distinguée des autres, si bien que ce Déserteur offre un expérience d’écoute d’une remarquable netteté. La prise de son Naxos, très naturelle, et l’impeccable diction des chanteurs de l’Opéra Lafayette, situé à Washington D.C., contribuent aussi grandement à ce succès.

Le livret met en scène Louise et son bien-aimé, Alexis, accusé de désertion après un coup monté contre lui. Louise réussira finalement à obtenir un pardon signé du Roi, qui sauvera in extremis Alexis de la peine de mort réservée aux déserteurs.

Cette production constitue une brillante surprise, et une très agréable découverte. On souhaiterait maintenant entendre les autres opéras comiques de Monsigny (une douzaine environ), avec l’Opéra Lafayette (pourquoi pas?). Une combinaison gagnante comme celle-ci ne devrait pas être changée!

Frédéric Cardin