«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

lundi 31 octobre 2011

David Ian Vintage Christmas

Bien que des dizaines d'albums de Noël soient présentés chaque année, les plus suggestifs sont ceux réalisés par des musiciens de Jazz, depuis Chet Baker avec son Have Yourself a Jazzy Little Christmas jusqu’à Vince Guaraldi et son Charlie Brown Christmas.

Dans cette lignée musicale, Vintage Christmas de David Ian donne un nouveau souffle à l'univers des albums de Noël, avec des arrangements relaxants et beaucoup de swing, tout en gardant l'esprit de la saison et en respectant la sainteté du matériel. Au lieu d’enterrer les chansons sous une montagne de sons, Ian a choisi plutôt un petit ensemble de jazz pour mettre l'accent principalement sur la ligne mélodique et son contenu lyrique. Grâce à son mélange instrumental et vocal captivant, il réussit à créer une ambiance intime, détendue, avec une sonorité chaude et accueillante. Comme le titre de l'album le suggère, Ian cherche à recréer une sonorité typique qui évoque les albums de jazz et de Noël des années ‘50. D'où sa décision de former un trio (Ian au piano et à la guitare, Jon Estes à la contrebasse, Brian Fitch aux percussions), avec les chanteurs invités Andre Miguel Mayo et Acacia. "J'ai essayé de faire des arrangements qui toucheraient les auditeurs. J'aimerais qu'ils puissent se sentir comme s'ils étaient assis dans leur salon, à côté du foyer, à écouter ces arrangements des années ‘50. Chaque note, chaque instrument et chaque tonalité de ce disque a l'intention de transporter l'auditeur à cette époque-là et à cet espace-là."

Ian a choisi des chansons qui évoquent pour lui la quintessence du temps des fêtes, mais il a su leur donner une nouvelle direction. Comme c’est le cas de "Hark! the Herald Angels Sing", interprétée à la manière traditionnelle des hymnes religieux, pour laquelle cependant, Ian joue la mélodie avec une tout autre inflexion de jazz sur un « up-tempo ». La chanson reste la même, mais elle projette une gamme complètement différente de couleurs et de nuances. Bien sûr, Noël ne serait pas Noël sans toute la décoration: le sapin de Noël orné d’anges et de boules colorées, les lumières sur les toits et aux fenêtres, une dinde qui cuit au four et la bûche de Noël qui attend au frigo. Mais, l’ambiance n’est pas complète tant que vous n’entendez pas ces traditionnelles chansons de Noël échappant de vos haut-parleurs.

Alors, décorez votre sapin, mettez le gui et n’oubliez pas d’ajouter Vintage Christmas de David Ian à votre musique du temps des fêtes.

Prescott Records est un Label réputé pour la haute qualité de ses enregistrements, ayant comme objectif de garder la pureté du son classique. Prescott Records est fier de s'associer à cet excellent projet de haut niveau artistique.

Prescott Records: PR0001 à partir du 8 novembre au Canada

vendredi 28 octobre 2011

Alexander Tcherepnin : Complete Piano Concertos

Noriko Ogawa, piano

Singapore Symphony Orchestra

Lan Shuui, direction

Brilliant Classics BRI9232 (2CD)

Alexander Tcherepnin (1899-1977) fait partie d’une famille de musiciens qui se décline sur plusieurs générations. Son père, Nicolaï, fut compositeur, ainsi que son fils Ivan et ses petits-fils Serge et Stefan, bien vivants aujourd’hui.

La présente collection est une réédition économique d’une intégrale parue sous étiquette BIS il y a une dizaine d’années. La prise de son est ample et bien définie, l’orchestre de Singapour offre une riche palette de couleurs à cette musique extravertie et la soliste japonaise s’investit pleinement dans ces partitions méconnues, mais invitantes.

L’ensemble du corpus traverse, grosso modo, la carrière du compositeur, de sa jeunesse à sa maturité.

Le Concerto no.1 op.12 s’amorce sur les chapeaux de roue avec une séquence d’ostinatos qui propulsent l’œuvre en territoire « prokofievien ». Le concerto, construit en un seul mouvement, est plutôt musculaire, mais Tcherepnin y insère tout de même des épisodes économes où le piano explore d’autres avenues que les accords plaqués robustes de l’ensemble de la pièce. Composé vers 1919, ce concerto, tout comme le Premier de Prokofiev, est une sorte d’épilogue romantique ouvrant sur le modernisme récent. La partie soliste profite d’épisodes flamboyants qui la placent typiquement en opposition avec l’orchestre. La finale somptueuse et tempêtueuse est particulièrement impressionnante! Très belle entrée en matière pour amorcer l’écoute de ce corpus original.

Le Concerto no.2 op.26 a été écrit à peine quelques années plus tard, alors que Tcherepnin avait déménagé à Paris, chassé de sa Russie natale par la guerre civile qui régnait là-bas après la Révolution d’Octobre 1917. Une autre composition en un seul mouvement, ce deuxième exercice concertant pour piano possède les mêmes qualités que le premier, mais semble d’emblée un brin plus enjoué que le précédent. Il ne faut pas se fier aveuglément (et sourdement!) aux mesures initiales car la houle orchestrale ne fait qu’esquisser son déploiement. Tout comme dans l’op.26, Tcherepnin adore mettre en opposition la force symphonique et un certain impressionnisme post-romantique du piano solo. En ce sens, ce concerto offre beaucoup d’attraits autant aux amoureux de la tonitruance symphonique que de la performance pianistique, qu’elle soit tour à tour athlétique et/ou purement coloristique.

Le Concerto no.3 op.48 se hasarde plus loin en terrain moderniste. Les harmonies sont plus acerbes, les contours mélodiques plus contondants. Le romantisme subsistant des deux premiers concertos est évacué. L’op.48 est divisé en deux mouvements, le dernier étant structuré en une fugue particulièrement dense et intransigeante, qui se termine (curieusement) sur une formule rappelant une symphonie de Bruckner! Le talent d’orchestrateur de Tcherepnin n’en demeure pas moins bien en évidence. C’est un concerto imposant qui demandera des écoutes répétées avant de révéler la totalité de ses charmes.

Le Concerto no.4 op.78 (Fantaisie) constitue un étrange retour en arrière, tout en étant unique dans le corpus du compositeur. Dès les années trente, Tcherepnin avait développé un intérêt marqué pour les musiques orientales, en particulier celles de la Chine. La rencontre de son épouse, une pianiste chinoise, n’est certainement pas étrangère à cela. Pour son quatrième exercice de ce type, Tcherepnin se plut à concevoir un concerto de facture postromantique, mais avec des mélodies et harmonies « orientalisantes ». Le résultat ne manque pas de charme et rappelle (en moins stéréotypé et plus moderne) le Yellow River Concerto, un exercice romantico-pastiche rachmaninovien commandé par l’État communiste chinois à un groupe de compositeurs. Le premier mouvement est de facture plutôt impressionniste (bien que souvent assez robuste) et intègre subtilement les « couleurs » chinoises à son discours. Le deuxième mouvement est une très agréable mélodie jouée d’abord au cor anglais puis reprise par l’orchestre dans un déploiement d’affects presque hollywoodiens. La musique prend une tournure harmonique plus complexe avant de revenir à une certaine somptuosité, puis d’alterner à nouveau entre un langage modernisant et des épisodes impressionnistes. Le dernier mouvement est une sorte de rondo « chinoisé » sur lequel on se plait à imaginer des images à vol d’oiseau des magnifiques panoramas de cet immense pays.

Le Concerto no.5 op.96 part dans une tout autre direction. Il fut composé aux États-Unis, bien après la Seconde Guerre mondiale. Comme si le quatrième concerto n’avait été qu’un interlude dans une progression inexorable, Tcherepnin tâte ici du modernisme plus astringent en flirtant littéralement avec la musique atonale et un rien de sérialisme. Mais que les plus frileux de cette musique soient rassurés : Tcherepnin sait intégrer ces techniques à une musicalité générale intacte et toujours aussi expressive. Jamais le compositeur ne se subordonne à une formule étrangère à ses affects naturels. Le premier mouvement, impétueux, s’amorce pourtant sur des couleurs intrigantes et « atonales », mais délicates, qui servent de prélude à un développement chargé et vigoureux pour le soliste, appelé à utiliser l’ensemble de ses ressources physiques. Le deuxième mouvement est serein, empreint de mystère et de nostalgie, alors que le troisième et dernier apporte une conclusion curieusement plus festive, qui n’aurait peut-être pas déplu à un certain Shostakovich.

Le Concerto no.6 op.99, composé en 1965, résume joliment une carrière (ainsi qu’un corpus) riche et intense. Les deux mouvements externes sont remplis d’énergie rythmique, de puissance orchestrale et d’introversion « solistique », tout à la fois. Les percussions font une apparition remarquée dans l’écriture de Tcherepnin car il les utilise ici avec passablement d’éclat, surtout dans le premier mouvement. Le mouvement lent central est très évocateur, témoignant encore une fois de l’habileté de Tcherepnin à manier la palette sonore de l’orchestre dans son ensemble et à lui insuffler vie avec un lyrisme sous-jacent qui ne peut provenir que de ses origines slaves. Le dernier mouvement, je l’ai dit, est rythmiquement insistant et amène à une finale explosive qui conclut avec brio un ensemble de concertos qui mérite plus d’attention qu’il n’en a eu jusqu’à maintenant.

En conclusion, ce double disque Brilliant offre une découverte stimulante sans hypothéquer votre portefeuille (on aime ça!). Un très beau produit!

Frédéric Cardin

jeudi 27 octobre 2011

Symphonie n°4 de Bruckner avec l'Orchestre Métropolitain sous la direction de Yannick Nézet-Séguin


À la suite des enregistrements des trois dernières symphonies de Bruckner parus depuis 2007 chez ATMA, Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain poursuivent le cycle avec la Symphonie no 4 de Bruckner.
Directeur artistique et chef principal de l’Orchestre Métropolitain depuis mars 2000,Yannick Nézet-Séguin est parmi les jeunes chefs les plus en demande au monde. En juin 2010, il devient directeur musical désigné du prestigieux Orchestre de Philadelphie, l’un des réputés « Big Five » des États-Unis d’Amérique ; son mandat de direction débutera en septembre 2012. Ce mandat s’ajoute à celui de directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam où il a succédé à Valery Gergiev en 2008-2009. Depuis 2008, il est également chef invité principal de l’Orchestre philharmonique de Londres.

Atma, ACD22667

Carte Postale avec le Quatuor Alcan


Ce nouvel enregistrement ATMA du Quatuor Alcan offre un échantillonnage d’oeuvres extrêmement riches et variés de musiques récentes pour quatuor à cordes.
Le compositeur José Evangelista est surtout connu pour les nombreuses oeuvres où il explore son héritage espagnol, Spanish Garland est en ce sens, l’une de ses oeuvres essentielles. Ce CD comprend également des oeuvres d’Airat Ichmouratov originaire de Russie et des Italiens Dimitri Nicolau et Alessandro Annunziata qui tirent tous deux leur inspiration de la Grèce. Wapango du Cubain Paquito D’Rivera est une danse afromexicaine. La musique de l'Uruguayen Miguel Del Aguila opère une fusion de jazz des années 1920 et d'éléments latins et des Caraïbes dans son Presto II.
Le Quatuor Alcan est aujourd’hui à l’apogée de son art. Le bilan de ses réalisations est impressionnant : plus de mille concerts en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, nombre d’émissions radiophoniques (Société Radio-Canada, CBC, Public Broadcasting System [É.-U.], Radio France, Radio nationale du Danemark, etc.), de nombreuses apparitions à la télévision, une dizaine de disques, et de fréquentes créations d’oeuvres.


Atma ACD22502



Lieder de Mahler avec Julie Boulianne et l'Ensemble Orford sous la direction de Jean-François Rivest


Reconnue pour son intelligence musicale et sa grande sensibilité, Julie Boulianne est actuellement l’une des artistes lyriques canadiennes les plus en vue. L’année 2011 s’est révélée riche en engagements prestigieux, avec ses débuts au Metropolitan Opera de New York dans les rôles de Diane d’Iphigénie en Tauride de Gluck et de Stefano dans Roméo et Juliette de Gounod. Elle a aussi récemment été Fragoletto dans Les Brigands d’Offenbach à l’Opéra de Toulon et à l’Opéra-comique de Paris, Lazuli dans L’Étoile de Chabrier au New York City Opera, Cendrillon dans l’opéra éponyme de Massenet aux opéras de Marseille et de Montréal, et Elisa dans Tolomeo de Handel au Glimmerglass Opera. Ajoutons aussi la Cenerentola de Rossini, rôle qu’elle a maintes fois interprété.

ATMA présente le premier enregistrement solo de la mezzo-soprano canadienne Julie Boulianne, en vedette dans deux cycles célèbres de Gustav Mahler, rarement enregistrés dans leur version de chambre : Lieder eines fahrenden Gesellen et Kindertotenlieder. Julie Boulianne est accompagnée par l’Ensemble Orford sous la direction du chef canadien Jean-François Rivest. Madame Boulianne chante également une sélection de lieder d’Alma Mahler accompagnée au piano par Marc Bourdeau.

Particulièrement appréciée pour son intelligence musicale et sa grande sensibilité, Julie Boulianne est actuellement l’une des artistes lyriques les plus prometteuses. L’année 2011 s’est révélée particulièrement riche en engagements prestigieux, comprenant ses débuts au Metropolitan Opera de New York avec trois rôles en trois mois : Diane d’Iphigénie en Tauride de Gluck, Stefano dans Roméo et Juliette de Gounod, puis Isolier dans Le Comte Ory de Rossini. Au cours de ces représentations, Julie Boulianne a eu l’occasion de partager la scène avec des chanteurs réputés dont Placido Domingo, Juan Diego Flórez et Susan Graham.

Atma. ACD22665.



mardi 25 octobre 2011

Fazıl Say: Pictures Moussorgsky, Janacek, Prokofiev


«On me pose souvent la question suivante:"Un interprète turc peut-il réellement comprendre la musique tchèque ou russe?" Dans Nostalgia (1983), le grand réalisateur Andreï Tarkovski (1932-1986) fait dire à son protagoniste : "Si les hommes veulent réellement se comprendre, il faut abolir les frontières."» Fazil Say.

Moussorgski a écrit son chef-d'oeuvre pour piano après une exposition des dessins de son ami, tout récemment décédé, Viktor Hartmann, en seulement trois semaines (juin-juillet 1874). Tout de ce qui avait de nouveau en musique, à cette époque était là, peut-on dire inexploré par d'autres compositeurs et artistes. «Chaque écrivain (compositeur) crée ses précurseurs. Son apport modifie notre conception tant du passé comme celle du futur». Jorge Luis Borges.

Naïve V5199, à partir de novembre au Canada.

Fazil Say: Pictures

lundi 24 octobre 2011

Johann Christoph Bach: Welt, Gute Nacht








Julia Doyle, soprano

Katharine Fuge, soprano

Clare Wilkinson, mezzo-soprano

Nicolas Mulroy, alto/tenor

James Gilchrist, tenor

Jeremy Budd, tenor

Matthew Brook, basse

Peter Harvey, basse

English Baroque Soloists

John Eliot Gardiner, direction

Soli Deo Gloria SDG 715


C’est un pan entier de la musique baroque, et occidentale en général, qui se retrouve ici mieux enraciné! Ce cousin plus âgé du grand Jean-Sébastien était profondément admiré par son jeune cadet, au point d’en influencer le développement musical. Ce qui, en fin de compte, revient à dire que nous lui devons probablement une partie difficile à évaluer mais indéniable de la plus sublime musique qui fut composée dans notre histoire (celle de JSB).

La musique de Johann Christoph est formellement beaucoup moins complexe que celle de Sébastien et elle se déroule à un rythme plus lent et moins sujet à l’expansion harmonique et/ou instrumentale. Elle possède cependant une force spirituelle d’une surprenante puissance en s’appuyant sur des valeurs musicales éprouvées à l’époque telle la chaconne (comme dans la dernière partie de l’œuvre).

Cet ensemble de pièces élaboré par Eliot Gardiner comprend, à hauteur de deux chacun, des dialogues, arias, lamento et motets. La plupart des pièces sont écrites pour des cérémonies funéraires, ce qui explique leur caractère contemplatif et un brin austère. Mais ce qui frappe surtout dans ce projet, c’est l’immédiateté des affetcs suggérés.

Le premier Dialogue (sorte de scène religieuse représentée à l’époque dans les églises) intitulé Herr, wende dich und sei mir gnädig présente des chrétiens pénitents illustrés par les voix solistes supérieures accompagnées par l’orgue. Celles-ci sont réconfortées par la bienveillance de la basse et des cordes. Le 2e dialogue, Meine Freundin, du bist schön s’éloigne du répertoire sacré pour embrasser plutôt le profane, de manière codée mais musicalement évidente. Composé probablement pour les noces du frère jumeau d’Ambrosius Bach, donc oncle de Jean-Sébastien (Ambrosius étant le père de ce dernier) et nommé lui aussi Johann Christoph, ce long mouvement de près de 25 minutes laisse transparaître, sous ses airs dévots, un certain esprit de réjouissance plus humaine que purement mystique.

Les deux Arias sont de magnifiques compositions qui, sous des airs simples et dépouillés cachent un savoir-faire raffiné. Le premier, Mit Weinen hebt sich’s an comporte quelques trouvailles métriques qui rendent la relation habituelle texte/musique très inhabituelle. Le rendu est absolument saisissant. Le deuxième, Es ist nun aus mit meinem Leben procède d’une science moins complexe, mais l’intelligence et l’originalité du traitement demeurent, et, surtout, la beauté marquante de la mélodie et de son déploiement donnent envie de réentendre immédiatement ces petit bijoux très succincts (5 et 6 minutes).

Les deux Lamento sont eux aussi fort poignants. Le premier, Wie bist du denn, O Gott, faisait partie d’un recueil perdu pendant la 2e guerre mondiale puis retrouvé à Kiev en 1999. Quel bonheur! Voix solo appuyée par un violon, également solo, face à un ensemble de cordes plaintives qui soutiennent puissamment les mélopées bouleversantes des solistes. Le deuxième, Ach, dass ich Wassers G’nug hätte reprend lui aussi les mêmes prémisses livresques car il intègre plusieurs éléments du Livre de Jérémie et du Psaume 38 (entre autres). L’effet, touchant jusqu’à l’âme, est le même.

Reste les Motets, le premier intitulé Der Gerechte, ob er gleich zu zeitlich stirbt et maniant avec habileté les contrastes et irrégularités rythmiques propres à cette forme éprouvée, a été composé pour des funérailles. Mais à travers les jeux métriques de la composition, Bach crée une ambiance qui s’éloigne de celle de la lamentation pour appuyer un propos un brin plus extraverti ramenant à l’avant plan l’idée que le défunt ne saurait être en mauvaise posture, au contraire puisqu’il est dans la joie. Le deuxième motet, Fürchte dich nicht est tout à fait génial car il joue fort habilement sur les mots « Tu es mien », « Aide-moi » et des éléments du texte d’Isaïe « Ne crains rien car je t’ai sauvé, je t’ai appelé par ton nom, tu es mien » et celui de Jésus sur la croix s’adressant au larron : « En vérité je te le dis : aujourd’hui tu seras avec moi au paradis ». Les quatre voix principales qui amorcent le motet sont rejointes bientôt par la cinquième, celle de soprano, qui récite la mélodie de choral. La construction harmonique de Bach introduit un élément d’incertitude (y a-t-il bien un paradis?) mais le « Tu es mien » répété trois fois en douceur finit de rassurer le défunt (et ses proches, en déduisons-nous). Un grand chef-d’œuvre.

Décidément, Jean-Sébastien avait de qui tenir! Le plus beau, c’est que grâce à ce superbe disque, nous en avons maintenant une preuve indéniable!

Frédéric Cardin

Vivaldi: Concerti per fagotto, vol.2 avec Sergio Azzolini et L'Aura Soave di Cremona



L’ensemble L’Aura Soave a été formé en 1995 par le luthiste et musicologue Diego Cantalupi dans le but d’explorer les traditions vocales et instrumentales italiennes et les oeuvres de compositeurs italiens peu connus des XVIIe et XVIIIe siècles.
En Italie, comme un grand nombre de musiciens baroques vivent à Crémone, l’ensemble s’est agrandi et a commencé à jouer le répertoire orchestral en 2006. Depuis lors, l’orchestre se fait progressivement un nom, jouant dans des festivals et des séries de concerts dans toute l’Europe. Parmi les solistes avec qui il travaille on peut citer Emma Kirkby, Barbara Hendricks, Sophie Daneman et Nuria Rial.
Ces dernières années, L’Aura Soave a entrepris une étroite collaboration avec le bassoniste Sergio Azzolini dont le rôle de soliste-directeur a beaucoup influencé l’orchestre. Leur premier enregistrement des concertos pour basson de Vivaldi, pour l’Édition Vivaldi de Naïve, a reçu en France le prestigieux Diapason d’or du meilleur enregistrement de musique instrumentale en 2010.
L’Aura Soave est Ensemble résident du Teatro Ponchielli de Crémone et collabore régulièrement avec le Festival Monteverdi de cette ville.

Naïve: OP30518, à partir du 15 novembre au Canada.

mardi 18 octobre 2011

Les Nuits d'été, Harold en Italie avec Anne-Sophie von Otter, Antoine Tamestit, Les Musiciens du Louvre Grenoble sous la direction de Marc Minkowski


Voici un aperçu du prochain disque d'Anne-Sophie von Otter chez Naïve. L'enregistrement présente le cycle de mélodies de Berlioz "Les Nuits d'été" ainsi que la symphonie pour alto et orchestre "Harold en Italie", avec l'altiste Antoine Tamestit.
Marc Minkowski dirige Les Musiciens du Louvre Grenoble.

Naïve V5266, à partir du 15 novembre au Canada.


Description : cid:image006.jpg@01CC79EB.EA0BA950

vendredi 14 octobre 2011

Johann Hermann Schein: Fontana d’Israel

Cette “Fontaine d’Israel” est un recueil de 26 pièces polyphoniques madrigales composées sur des textes épars tirés de l’ancien et du nouveau Testament. En ce sens, Schein (1586-1630) démontre une grande maîtrise du style qui n’a pas à pâlir devant ses concurrents italiens en ce qui a trait au lyrisme et à la beauté des lignes vocales

Schein, comme Bach un siècle plus tard, fut cantor à St-Thomas de Leipzig. Comme Bach également, il sut insuffler à la rigueur teutonne un brin de luminosité et de sensualité toute italienne et ce sans y avoir mis les pieds. C’est ce qui rend sa musique si touchante. On est loin ici de l’aridité d’une certaine polyphonie nordique héritée des siècles précédents. Bien que relativement peu connu aujourd’hui, ce compositeur, qui dut se débrouiller pour continuer à créer pendant les troubles de la guerre de Trente Ans (ce recueil en est une illustration, et fut une sorte de défi lancé à l’adversité de la guerre qui fauchait tant de vies et détruisait si horriblement la fabrique sociale de l’époque), fait partie de ceux qu’il faut écouter si l’on se dit amoureux de musique sacrée.

Ce disque est une réédition d’une production de la maison Capriccio elle-même parue au début des années 90. La prise de son ne trahit que très peu l’époque, Capriccio étant déjà à ce moment une maison attentive à la qualité auditive de ses parutions.

Hermann Max (il faut voir la photo d’époque du directeur avec cette immense crinière frisée digne des coiffures « afro » des Noirs américains des années 70!! Sa chevelure est toujours plutôt flamboyante, mais cette photo en particulier vaut vraiment le détour!) dirige ce qui était alors le jeune ensemble Rheinische Kantorei avec énormément de maîtrise, sachant illuminer adéquatement chaque voix.

Remarquez en particulier ces sublimes contrastes entre les basses et les sopranos dans le Da Jakob vollendet hatte, ainsi que l’articulation impeccable des hommes. Dès leurs débuts, Max et son Kantorei étaient promis à un très bel avenir.

Rheinische Kantorei

Hermann Max, direction

Capriccio C5069 (2CD)

Frédéric Cardin

Michael Gordon: Timber

Timber de Michael Gordon (né en 1956) est un tour de force percussif exceptionnel. Cette pièce de près d’une heure divisée en 5 parties continues, et créée le 16 juin dernier, a été écrite pour 6 simantras, des poutres de bois (communément appelées 2x4) harnachées sur un montant (en bois également) et ressemblant assez à un chevalet utilisé pour faire des rénovations ou de la construction. Iannis Xénakis les utilisait dans certaines pièces.

Si vous connaissez déjà Music for 18 Musicians ou Drumming de Steve Reich, vous comprendrez aisément l’effet hypnotique que produit cette pièce.

Chaque simantra est manipulé par un musicien, mais celui-ci est appelé au fil de la pièce à exercer ses habiletés en polyrythmie car souvent, la main gauche est indépendante de la main droite.

Le résultat final est saisissant. L’œuvre se déploie telle une onde qui inspire et expire, marquée par la sonorité si particulière des instruments. Le type de roulement produit par le martèlement frénétique des mailloches sur les poutres évoque parfois un essaim d’abeilles dodues (et sans dard, car il n’y a rien de « menaçant » dans ces sonorités) qui tournoient dans une chorégraphie ondoyante et pulsative.

Les 6 interprètes de l’ensemble Slagwerk Den Haag sont, à ce que je peux en juger, exceptionnellement bien calibrés et précis. Absolument remarquable.

En terminant, il faut souligner l’originalité du magnifique boîtier : un caisson en bois (juste du vrai! Ça sent bon!) qui se referme facilement grâce à un aimant encastré à l’intérieur. Wow.

Un chef-d’œuvre du 21e siècle est né.

Michael Gordon: Timber

Slagwerk Den Haag

Cantaloupe CA21072

Frédéric Cardin


jeudi 13 octobre 2011

Carmen de Bizet avec Alagna et Uria-Monzon dans une production du Grand Théâtre del Liceu de Barcelonne.


CarmenBéatrice Uria-Monzon
Don JoséRoberto Alagna
MicaëlaMarina Poplavskaya
EscamilloErwin Schrott
FrasquitaEliana Bayón
MercédèsItxaro Mentxaka
Le DancaïreMarc Canturri
Le RemendadoFrancisco Vas
MoralèsÀlex Sanmartí
ZunigaJosep Ribot

Cor Vivaldi – Petits Cantors de Catalunya
Liceu Grand Theatre Chorus and Orchestra
Marc Piollet
, conductor

Calixto Bieito, stage director
Alfons Flores, set designer
Mercè Paloma, costume designer
Xavi Clot, lighting designer

Recorded live from the Gran Teatre del Liceu, October 2010.


Carmen est sans doute l'opéra français le plus populaire au monde, et pourtant comme plusieurs autres oeuvres déjà classiques, ce fut au départ un fiasco. Plus surprenant, les critiques eux aussi semblent être restés sourds à l'étonnante originalité de la musique de Bizet, n'entendant rien de sa richesse mélodique, harmonique et rythmique, de son orchestration éblouissante mais infiniment subtile, de sa faculté quasi mozartienne à exprimer le caractère et la profondeur psychologique de son esprit ironique et de sa sensualité entêtante. Mark Pappenheim pour CMajor.
CMajor DVD707308 et Blu-ray 707404

BIZET, G.: Carmen (Liceu, 2010) (NTSC)

Le nozze di Figaro avec Diana Damrau dans une production du Teatro alla Scala


Il Conte di AlmavivaPietro Spagnoli
La Contessa di AlmavivaMarcella Orsatti Talamanca
SusannaDiana Damrau
FigaroIldebrando D’Arcangelo
CherubinoMonica Bacelli
MarcellinaJeannette Fischer
BartoloMaurizio Muraro
BasilioGregory Bonfatti
Don CurzioNicola Pamio
BarbarinaOriana Kurteshi
AntonioMatteo Peirone

Milan La Scala Chorus and Orchestra
(chorus master: Bruno Casoni)
Gérard Korsten, conductor

Giorgio Strehler, stage director (restaged by Marina Bianchi)
Ezio Frigerio, set designer
Franca Squarciapino, costume designer
Anna Maria Prina, choreographer
Gianni Mantovanni, lighting designer

Recorded live from the Teatro alla Scala, 2006.


Voici la première collaboration entre Mozart et da Ponte. L'opéra fut écrit en six semaines, musique et livret. Malgré un climat de cabale contre Mozart pendant les répétitions, tous les airs furent bissés à la première. Cependant les Noces ne furent représentées que neuf fois en 1786 à Vienne, bien peu pour un opéra à succès. Alexis Payne.

DVD Arthaus 101589 disponible à partir de novembre au Canada.

MOZART, W.A.: Nozze di Figaro (Le) (La Scala, 2006) (NTSC)

lundi 10 octobre 2011

Andrea Chénier de Giordano au Festival de Bregenz


Andrea ChénierHéctor Sandoval
Carlo GérardScott Hendricks
Maddalena di CoignyNorma Fantini
BersiTania Kross
La Contessa di Coigny / MadelonRosalind Plowright

Prague Philharmonic Chorus
Bregenz Festival Chorus
Vienna Symphony Orchestra
Ulf Schirmer
, conductor

Keith Warner, stage director
David Fielding, set designer
Constance Hoffman, costume designer
Lynne Page, choreographer
Davy Cunningham, lighting designer

Recorded live from the Bregenz Festival, July 2011


L'opéra plus populaire d'Umberto Giordano raconte une partie de la vie d'André Chénier, poète et révolutionnaire français.

C Major, DVD 707908 et Blu-ray 708004 disponible à partir de novembre au Canada.

GIORDANO, U.: Andrea Chenier (Bregenz Festival, 2011) (Blu-ray, HD)

dimanche 9 octobre 2011

Medea in Corinto, un opéra classique façon bel canto de Giovanni Simone Mayr


CreonteAlastair Miles
EgeoAlek Shrader
MedeaNadja Michael
GiasoneRamón Vargas
CreusaElena Tsallagova
EvandroKenneth Roberson
TideoFrancesco Petrozzi
IsmeneLaura Nicorescu

Bavarian State Opera Chorus
(chorus master: Andrés Máspero)
Bavarian State Orchestra
Ivor Bolton, conductor

Hans Neuenfels, stage director
Anna Viebrock, set designer
Elina Schnizler, costume designer
Michael Bauer, lighting designer

Recorded live from the Nationaltheater München, 2010.

Bonus:
- Making of Medea in Corinto – Including interviews with the cast and production team as well as rehearsal and backstage footage.
- Exclusive interview about the life and work of Johann Simon (Giovanni Simone) Mayr.


«Il était grand temps que l'on commence à redécouvrir le "père de l'opéra italien" comme disait Rossini à propos de son maître qu'il l'appelait également avec tendresse, Papa Mayr.»
Mayr a marqué d'une manière décisive les débuts de l'opéra romantique italien. Et pourtant, ce musicien n'était pas un enfant du «pays des citronniers en fleur»... Richard Eckstein, pour Arthaus Musik.

Arthaus Musik: DVD 101578, Blu-ray 108030 disponible à partir de novembre au Canada.

Mayr: Medea in Corinto