«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 31 mai 2017

Brahms par Herreweghe, ou la recherche de la beauté!

Johannes Brahms
Symphonie n°4
Rhapsodie pour alto, chœur d'hommes et orchestre
Schicksalslied
Ann Hallenberg, mezzo
Collegium Vocale de Gent
Orchestre des Champs-Élysées
Philippe Herreweghe, direction.

La beauté d'une interprétation réside souvent dans une recherche, presque toujours inaboutie, d'une pureté du son. En essayant d'enlever, le plus possible, tout artifice dans son geste, pour pouvoir libérer le discours de tout obstacle qui puisse nuire au message.
C'est alors que la version devient une référence, elle nous fait vibrer, et on ne peut pas s'en passer.
C'est tout à fait le cas, de cet enregistrement exceptionnel de l'Orchestre des Champs-Élysées, sous la direction de Philippe Herreweghe, qui nous offre trois monuments de Brahms. La quatrième symphonie op 98 en mi mineur, est d'une lucidité presque surréel. Le son de chaque section de l'orchestre est toujours soigné jusqu'aux moindres détails d'une partition dont sa difficulté nous laisse perplexe encore de nos jours.
Ann Hallenberg est magistrale dans la Rhapsodie pour Alto chœur d'hommes et Orchestre op.53, et les choristes du Collegium Vocale de Gent sont absolument impeccables dans le Schicksalslied op. 54.

Une référence pour ce chroniqueur.

Philippe Adelfang, mai 2017. 

jeudi 11 mai 2017

Saint-Saëns concerto pour piano n°3


Saint-Saëns
Concerto pour piano et orchestre n°3
Africa
Rhapsodie d'Auvergne
Caprice-Valse 
Romain Descharme, piano
Orchestre Symphonique de Malmö
Marc Soustrot, direction.
Naxos 8573477
Enregistrement juin 2015 
Album disponible maintenant chez amazon.ca




«Entrevue à Romain Descharmes réalisée par Laurence Vittes au moment de l'enregistrement des concertos de Saint-Saëns.»

Romain Descharmes:
"Quand on m'a proposé ce projet incroyable, j'étais très excité par l'idée de faire une intégrale. Je pense que c'est le meilleur moyen pour vraiment se plonger dans l'univers d'un compositeur.
J'ai ensuite pris conscience de l'ampleur du travail, en me procurant toutes les partitions... Tellement de notes, de gammes, de pirouettes en tout genre!
Finalement, au bout d'un moment, j'ai pris des habitudes et des réflexes qui m'ont permis de chercher la musique pure au delà de la technique. C'est une partition admirablement bien écrite pour le piano et avec laquelle on peut exprimer une infinité de couleurs et de sentiments.
C'est bien sûr le plus gros du travail. Seul devant son piano.
Puis le jour de l'enregistrement arrive. Alors on rencontre le chef, l'orchestre, l'ingénieur, le producteur.
Le contact a été très facile avec tout le monde et nous nous sommes tous très bien entendu musicalement et humainement.
Nous avions beaucoup de contraintes de temps, donc je devais être très prêt à enregistrer. Seulement quelques heures par jour pendant 5 jours, il fallait être efficace... On faisait une petite répétition et ensuite on enregistrait. Heureusement je pouvais faire confiance à l'orchestre, au chef Marc Soustrot et également à l'ingénieur Sean Lewis qui avait une oreille sur chaque instrument et qui nous disait exactement quels passages nous devions refaire. Pendant les pauses et après les journées d'enregistrement, j'écoutais avec lui pour contrôler et décider plus ou moins des bonnes prises pour le montage. Ensuite il nous a envoyé ce montage et nous avons pu corriger les dernières petites erreurs avant de tout valider.
Tout le monde connait les 2ème et 5ème concertos (je les avais joué de nombreuses fois avant l'enregistrement), mais j'ai découvert les 3 autres concertos qui ne sont pas souvent joués (voire jamais) et qui méritent vraiment le détour. Personnellement, j'aime beaucoup le 4ème (à venir prochainement).
On ressent bien l'évolution de l'écriture de Saint Saëns dans ces 5 concertos. Du 1er très virtuose et classique au 5ème plus profond avec des inventions sonores incroyables. Même les pièces isolées, qui pourraient passer pour des choses sans intérêt, sont finalement d'une inventivité vraiment spéciale.
Au delà des difficultés techniques gigantesques, j'ai pris énormément de plaisir à enregistrer toute cette musique qui reflète parfaitement l'esprit, les couleurs et l'expressivité française.

C'était très facile de travailler avec l'orchestre de Malmö. Ils ont beaucoup de contraintes d'horaires, le planning est très précis et très minuté, mais nous n'avons pas perdu de temps. C'était très efficace. J'avais déjà joué le 2ème concerto avec eux, et ils connaissait le 5ème. Mais tout le reste était une découverte pour eux aussi. Avec Marc Soustrot et l'orchestre, nous avons beaucoup parlé de tempo, de phrasé, d'articulations, et de la finesse et l'élégance française nécessaires pour défendre cette musique.
Pour l'édition, j'ai utilisé Durand. C'est un peu la référence en matière de musique française. J'avais bien sûr les partitions de piano avec moi. Mais avec une réduction de l'orchestre pour un 2ème piano. Sinon, il y aurait beaucoup trop de pages à tourner.. Donc en jouant la partie de solo, j'ai la musique de l'orchestre également sous les yeux. J'ai vérifié sur la partition d'orchestre pour certains passages pour savoir quel instrument jouait à tel ou tel moment.
Je ne me souviens plus à quel moment j'ai commencé à travailler toutes ces partitions. Un peu plus d'un an avant l'enregistrement, nous nous sommes mis d'accord avec Naxos sur toutes les pièces de Saint Saëns puis, sur les plannings. Et j'ai commencé à travailler en gros 8 mois avant le début de l'enregistrement. Mais c'est un travail long, et qui demande du temps pour assimiler toute cette musique, résoudre les problèmes techniques et musicaux. Nous avons fait 2 sessions d'enregistrement, en juin et en août. J'étais bien préparé pour la 1ère partie, et ensuite j'ai passé un début d'été très intense pour préparer la 2ème partie...
Le 5ème concerto est pour moi le sommet de ce groupe. Un 1er mouvement plus intime et introspectif que virtuose, un 2ème mouvement extrêmement varié et inventif, et un final très enlevé qui marche toujours en public, parce qu'il est très impressionnant.
Le 2ème est très difficile physiquement, parce qu'il est long, intense, et il n'y a aucun moment où l'on peut se reposer. Il y a une sorte de combat entre le piano et l'orchestre, qui fait exploser le final, et marche très bien avec le public. C'est vraiment quelque chose de jouissif."

Entrevue réalisée par Laurence Vittes




Les concertos 1 et 2 avec l'Allegro appassionato est toujours disponible sur: archambault.ca , renaud-bray.com et amazon.ca